SAINTE THÉRÈSE D'AVILA


 

PRÉSENCE DE L'ESPRIT

  Jeune femme brillante et aimée de ses proches, elle entre à l'âge de 20 ans au monastère de l'Incarnation d'Avila. Elle y prend le nom de Thérèse de Jésus et découvre dans la prière silencieuse (oraison) le lieu de l'amitié et de l'intimité avec le Christ.
Fondatrice de nombreux couvents après qu'elle eut réformé l'ordre du carmel, elle connut de 1515 à sa mort, de nombreux états mystiques, visions, extases telle que la transverbération (1559). Ces expériences nourrissent son livre "les demeures de l'âme" où elle décrit la vie mystique depuis ses débuts jusqu'à l'union du mariage spirituel. Thérèse s'absorbe en son amour qui n'a besoin, ni de prière, ni de lecture et un soir une inondation de joie la saisit; et quand elle fut endormie, un océan de joie l'inondait, c'était une extase.

Quelque chose d'insinuant et doux; elle se demandait si ce songe étrange n'était point un avertissement; elle n'a qu'à descendre en elle-même, qu'a creuser son âme et la certitude vient; ce n'est pas le sentiment d'une présence individuelle, c'est une sorte d'enveloppement aussi vague et informe que celui d'une eau la baignant ou d'une lumière diffuse matériellement sentie; pourtant il est rare, incertain, trompe son espoir; mais l'espoir suffit qu'il puisse revenir encore et elle vit jour après jour, le cherchant au fond de son âme; frémissant déjà de pressentir que viendra son impalpable et sereine invasion.

Ce fut d'abord à peine comme un allégement, une sensation fuyante de légèreté; puis tout d'un coup, une suavité dilata sa poitrine; c'était comme une inondation si soudaine que le coeur semblait prêt à se rompre; ses yeux ne voyaient plus; alors la joie l'enveloppe, étreignit ses sens; puis tout s'éfface; mais quelque chose d'inconnu lui demeurait : une sensation d'allégresse, une dilatation d'amour.

L'innéfable la pénétrait, ne faisait plus qu'un avec elle; parfois, elle chancelait sous sa violence; cet amour l'envahissait à flot égal comme une mer qui sans cesse gagne du rivage, ne lui laissait plus rien d'elle-même; quelque chose en elle se dissolvait délicieusement jusque dans sa propre matière; elle sentait une profection toute puissante l'enserrer à jamais sans pouvoir s'y soustraire; l'impulsion de la volonté divine chassait sa propre volonté; elle ne pouvait que lui offrir sa soumission et sa passivité radieuse; il lui arrivait de connaître un tel délice, et une telle crainte que ce délice cessât, qu'elle versait malgré elle des larmes et que la gorge étranglait, elle ne savait plus si elle souffrait ou si elle défaillait de joie.

  Alors l'amour qui l'embrassait semblait prêt a rompre les liens de son corps; elle sentait une douleur si vive qu'elle en gémissait et en même temps si délicieuse qu'elle eut voulu ne jamais la voir finir; qui peut savoir jusqu'ou va cette blessure, d'où elle est venue et comment peut s'adoucir un si cruel et délicieux tourment? consumée de désir, elle ne savait que demander; elle flottait vraiment dans la durée sans mesure, submergée, comme dans les extases furtives de notre pauvre amour mortel, par la violence de son émotion; une intensité qui abolit la conscience; que sont les voluptés charnelles à coté de cet envahissement de tout l'être par ce torrent de félicité; car toute puissance, la félicité l'enveloppait, s'abattait sur elle, et cette plénitude, à laquelle elle avait en vain essayé d'échapper, la déchirait comme si elle ne pouvait la contenir, lui donnait la sensation d'une flèche traversant son coeur; elle croyait voir entre les mains d'un ange un long dard qui était d'or et dont la pointe portait un peu de feu et l'ange lui passait ce dard au travers du coeur.

EXTASE

Le coeur bat à bonds désordonnés, les mains inertes, si froides, le corps lourd d'un poids inexplicable et qui toujours, à coups sourds et irrégulier, martèle le coeur; en soulevant ses mains, elle a senti ses jointures brisées et tout son corps lui semble avoir été déchiré, étiré sur la roue soumis à un terrible supplice; mais sur cette fatigue corporelle, l'âme veille et de nouveau espère et prie; de nouveau s'est attendri son coeur, de nouveau elle sait ce qu'est le don des larmes; elle comprend que sans la grâce elle ne peut rien, pas même aimer, pas même souffrir; ou résonne la divine joie, car la joie l'habitait toute entière a chaque souffle, elle semblait dilater ses poumons et avec son sang battre à grands coups égaux et surs; et elle allait baignée de Dieu, fondue en lui; elle n'aurait qu'a baisser la tête et a l'appuyer pour retrouver l'extase et son ineffable joie.

ADAPTATION A LA VIE MONASTIQUE

Comme tous les vrais ascètes , elle avait un besoin physique de solitude et de silence, or à l'infirmerie, au milieu des autres malades, dans le bruit des conversations, des allées et venues , il lui était presque impossible de se recueillir et de pratiquer les règles d'ascèse; c'était un véritable purgatoire; "On me voyait me retirer dans la solitude pour y prier longuement et pour y faire de longues lectures".

La maladie n'est pas une excuse suffisante, à défaut des forces corporelles, l'amour et l'habitude devraient soutenir dans l'oraison, l'âme vraiment zélée.

LA MALADIE

On peut dire que Ste Thérèse a été toute sa vie une malade, ou plus exactement une souffrante, jusqu'à l'approche de ses derniers jours; pour elle, qui eût, dés sa petite enfance, ce goût de solitude, cette promiscuité continuelle devait-être un véritable supplice; elle était foncièrement robuste; mais cette forte constitution, a été éprouvée jusqu'au bout par des crises terribles et des souffrances presque continuelles, au caractère complexe et mystérieux; ce sont des troubles nerveux aux répercussions sur le coeur, sur l'estomac et les entrailles; or ces troubles sont consécutifs à des crises morales ou bien, plus tard, ils seront concomitants de ses extases, de ses ravissements et de ses visions; évanouissements et des maux de coeur si étranges et si violents; crise de catalepsies, des contractions nerveuses qui lui mettaient le corps en boule; et pourtant les visions, les grandes grâces n'ont commencées que beaucoup plus tard, comme si cette âme élevée voulait nous montrer que pour mériter ces grâces, les souffrances matérielles de la maladie ne suffisent pas et qu'il faut encore un long entraînement par toutes les pratiques de l'ascèse et l'exercice de vertus péniblement acquises; cette maladie lui révèle l'importance capitale de la douleur dans l'ascétisme comme moyen de purification et de libération spirituelle; ce fut jusqu'au moment ou elle entra dans les voies mystiques; les grâces d'union, les extases et la ravissements furent pour Thérèse le commencement de la guérison; sans doute, elle ne revint jamais complètement à la santé.

LA PRÉSENCE DE DIEU

D'abord un certain sentiment de présence; "quelquefois au milieu d'une lecture, il me venait à l'improviste, un sentiment de la présence de Dieu";" elle suspend l'âme de telle sorte qu'elle semble être toute entière hors d'elle-même; l'âme s'épanouit, le coeur s'attendrit et les larmes viennent; mais ce ne sont là que les prémices de faveur plus hautes".

LE COMMENCEMENT D'ORAISON

Son amour s'exalte comme se fortifie dans la solitude de nos passions humaines; il s'alimente perpétuellement de l'élan d'un désir que rien désormais ne distrait, il se nourrit de la contemplation; cette sensualité frémissante trahit, par dessus tout un grand besoin d'amour et d'être heureux; au dessus ce qui lui manquait, c'est l'amour de Dieu; "Je n'avais pas alors, il me semble, l'amour de Dieu, comme je crois l'avoir ou après que je commençais à faire oraison."

"O mon Dieu, qu'ils consentent seulement à passer deux heures par jour dans votre compagnie et ils verront de quelle récompense vous les payez".

Oraison premier degré

c'est la plus simple; elle consiste à méditer sur une vérité ou sur un mystère de la foi; on peut s'aider des images saintes; on doit choisir de préférence une image dont la représentation est la plus saisissante et porte la volonté à une dévotion plus ardente;"comme je voudrais pleurer, moi aussi; mais j'ai le coeur tellement sec que je pourrais bien lire d'un bout à l'autre tout le récit de la passion sans en tirer une larme"; le grand ressort lui manquait : l'amour de Dieu.

Le culte des images; on doit choisir celles dont la représentation est la plus saisissante et porte la volonté à une plus grande dévotion; mais la vrai prière n'a pas besoin de chef d'oeuvre; la moindre allusion à l'Aimé bouleverse l'âme blessée par l'amour;"Entretenez-vous avec lui".

Les premières touches de l'Esprit : elle se trouve un jour, un moment, dans certaines dispositions extraordinaires, l'émotion éprouvée, loin d'être passagère peut-être le point de départ de toute une vie nouvelle; Ste Thérèse nous dit cependant que Dieu se plait à brûler les étapes et que la méditation peut-être inutile à celui qui reçoit la grâce d'oraison.

Oraison mentale

  Chaque jour, elle prenait pour sujet de méditation un des épisodes de la passion ou un mystère de la vie du Christ; cette oraison appartient au premier degré de la vie spirituelle et n'a rien de proprement mystique; c'est la plus simple; l'oraison mentale n'est guère que la prolongation de l'oraison vocale, elle consiste à méditer une vérité ou sur un mystère de la foi; Ste Thérèse éprouvait la plus grande difficulté à se recueillir pour l'oraison, même mentale; cependant si l'on reçoit la grâce, elle ne devient plus nécessaire; attouchements ineffables qui lui faisaient devenir une présence toute proche, véritables prélibations des hauts états mystiques; les premiers phénomènes mystiques sont involontaires; tout ce qu'a pu faire Thérèse pendant vingt ans d'exercices qu'elle a pu faire par sa volonté l'ont laissée malade et désespérée; ce n'est que par la grâce que les prémices des faveurs beaucoup plus hautes lui viennent. D'abord la priére vocale, puis l'oraison mentale qui repose sur la méditation; Thérèse a beaucoup de mal à méditer; pour fixer son attention, elle prend un livre;

elle se recueille dans sa lecture, mais son grand sujet , c'est la passion du Christ; elle ne raisonne pas, elle voit, elle contemple; tous ces exercices sont à la portée de chacun; chacun peut faire pour se mettre en état de mériter les grâces d'oraison, mais Dieu seul peut les donner; il y a des âmes qui ne peuvent dépasser le premier degré de la vie mystique, c'est quelquefois la maladie, une certaine débilité physique ou enfin la fatigue qui en sont la cause; dans le cas, il ne faut pas s'obstiner, forcer sa nature.

LES GRÂCES D'ORAISON

Dieu les accorde à qui lui plait; elles arrivent souvent au début de la vie mystique pour attirer l'âme davantage ; les larmes pieuses sont d'enthousiasmes et d'exaltation; il arrive qu'un mot prononcé à l'improviste déchaîne dans l'âme une émotion; elle goûtait une joie toute nouvelle, une joie différente, c'était les prémices des grâces qu'elle allait être comblée; Dieu les accorde même à des pêcheurs au milieu de leurs égarements; toutes les pénitences, toutes les vertus imaginables, les désirs les plus ardents de l'âme n'y font rien; les grâces d'oraison, comme toutes les grâces, si nous pouvons nous y préparer ne dépendent pas de nous; la volonté humaine est impuissante; il faut que quelqu'un intervienne : l'Esprit.

Oraison de quiétude :

Les yeux sont ouverts; la volonté est captivée par la douce présence; un coup au coeur; elle vit émerger des ténèbres, un supplicié couvert de plaies, ruisselant de sang et de sueur; si l'âme s'épanouit, le coeur s'attendrit et les larmes viennent; mais ce ne sont que les prémices de faveurs beaucoup plus hautes; tout en demeurant unie à Dieu, sans rien perdre de son repos ni de son apaisement, elle arrive peu à peu a amener au recueillement l'entendement et la mémoire; le premier degré de la vie mystique est l'oraison de quiétude.

D'abord, c'est un sentiment de joie dans un sentiment de quiétude inexprimable; cette joie ne vient pas d'ici bas; l'âme goûte les délices de cette joie inconnue et surnaturelle avec plus de plaisir; la volonté même en proie aux délices surnaturelles, ne reste pas inactive; tout en demeurant unie à Dieu, sans rien perdre de son repos ni de son apaisement , elle arrive peu a peu à un recueillement par des transitions plus ou moins consciente, elle va s'acheminer vers l'état le plus haut qui est celui d'union; c'est la source d'eau vive; les yeux du corps se ferment d'eux-mêmes, le corps ne peut plus bouger de peur de perdre la paix; l'âme se désaltère à la fontaine d'eau vive; elle doit avaler la nourriture de l'âme.

Le sommeil des puissances

Avant l'oraison, il est le sommeil des puissances; sans se perdre complètement, elles n'entendent pas comment elles agissent; le goût; la suavité et délectation sont supérieurs à ce qu'on a éprouvé jusque là; l' âme ne sait que faire, c'est un glorieux délire, où l'on apprend la vraie sagesse et c'est pour l'âme la plus délectable de toutes les puissances; l'âme est dans un état d'exaltation extraordinaire.

ORAISON D'UNION

  C'est la contemplation pure; l'oraison de quiétude conduit à une activité héroïque qui ne recule même pas devant le martyre; les yeux du corps sont fermés; ceux de l'âme s'ouvrent; dans ces moments là, devant quels tourments pourrait-on mettre une âme que celle-ci ne trouve délicieux ces souffrances pour son Seigneur; elle perçoit la présence de Dieu en elle, son union avec lui; il est impossible d'exprimer par des paroles les délices qu'elle ressent; et c'est ainsi que l'âme peu à peu arrive à l'union désirée; cette grâce suprême n'est pas un coup d'état, une sorte de révélation qui bouleverse l'âme, le don est imprévisible, mais cependant certain pour l'âme prédestinée. L'union immédiate avec Dieu; elle ne sait plus que se répandre en protestations d'humilité et en actions de grâce sans fin; l'âme dit-elle se sent avec un très vif et très suave plaisir, défaillir presque complètement; c'est une espèce d'évanouissement qui lui enlève la respiration et toutes les forces corporelles;

ses yeux se ferment malgré elle; si elle les ouvre, elle ne voit rien; le corps et les sens sont anéantis; ni la mémoire, ni la volonté ne fonctionnent comme d'habitude; la conscience reçoit une illumination ineffable; l'âme sent la présence de Dieu en elle, son union avec lui; et il en reste une telle certitude que d'aucune manière on ne peut cesser d'y croire; Thérèse ne cesse d'insister sur les lumières surnaturelles qu'elle puise dans l'oraison et en particulier dans l'oraison d'union sur l'accroissement d'intelligence.

PRÉSENCE ET VISIONS

Visions imaginaires :

C'est à dire qui consistent en images intérieures ou qui admettent certaines données sensibles; elles sont considérées comme d'un ordre inférieur aux visions intellectuelles, mais ce sont elles qui frappent le plus d'imagination; "un jour j'étais en oraison, le Seigneur me montre ses mains"; elle peut contempler la Sainte humanité du Christ; elle le vit dans toute sa beauté et toute la gloire de la résurrection.

La vision du corps glorieux du Seigneur est telle que l'âme qui la contemple entre dans un trouble extraordinaire; "je ne les vis jamais avec les yeux du corps, mais avec ceux de mon âme"; la vision de cette beauté dépasse tout ce que l'on peut imaginer ici-bas; c'est une blancheur suave et une splendeur infuse qui est un délice infini pour la vue et qui ne fatigue pas; c'est une lumière si différente de celle d'ici-bas; c'est une image vivante, ce n'est pas un homme mort, c'est le Christ vivant.

 

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